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La cession des parts sociales d’une société civile est opposable aux héritiers du cédant, même en l’absence de publicité

L’article 1865 du Code civil prévoit que la cession de parts sociales n’est opposable à une société civile que si cette cession lui a été signifiée, si la société l’a acceptée par acte authentique ou, lorsque les statuts le permettent, si elle a été retranscrite sur les registres sociaux. Pour être opposable aux tiers, en plus de ces formalités, la cession doit également être publiée au Registre du commerce et des sociétés.

À défaut d’opposabilité, la cession reste sans effet à l’égard des tiers.

Dans un arrêt du 21 mai 2025,1 la Cour de cassation précise que les héritiers du cédant ne peuvent être assimilés à des tiers. Ils ne sauraient donc invoquer l’absence de publication pour contester l’opposabilité de la cession.

> Lire également sur les cessions de parts sociales : « L’agrément obligatoire des cessions de parts sociales de SARL – Questions & réponses »

Les héritiers ne sont pas des tiers à la cession

En l’espèce, un héritier avait acquis auprès de son parent défunt des parts sociales d’une société civile. L’acte de cession n’ayant pas été publié, les cohéritiers soutenaient qu’il ne leur était pas opposable et demandaient la réintégration des parts dans l’actif successoral, ce que la cour d’appel de Reims avait admis.

Devant la Cour de cassation, l’héritier acquéreur arguait que les cohéritiers, ayant accepté la succession purement et simplement, étaient devenus parties à la cession en venant aux droits du défunt. Ils ne pouvaient donc être considérés comme tiers.

La Haute juridiction a censuré la décision d’appel sur le fondement des articles 724, 1122 (ancienne rédaction2) et 1865 (ancienne rédaction3) du Code civil. Elle rappelle que les héritiers du cédant ne sont pas des tiers et ne peuvent donc se prévaloir du défaut de publication pour contester les effets de la cession.

Cette solution, bien qu’ancrée en droit des successions, présente un intérêt en droit des sociétés. Ainsi, si les héritiers peuvent être considérés comme des tiers tant que le cédant est vivant, le décès de ce dernier modifie leur statut. L’acceptation de la succession entraîne la transmission du patrimoine, de sorte qu’ils deviennent parties à l’acte, réputées connaître les conventions conclues par le défunt.

Portée de la décision et extension aux cession de parts sociales de SARL et de SNC

La portée de cette décision semble transposable aux cessions de parts sociales de sociétés à responsabilité limitée (SARL) ou encore, de sociétés en nom collectif (SNC). En effet, les articles L. 223-17 (pour la SARL) et L. 221-14 (pour la SNC) du Code de commerce conditionnent eux aussi les cessions de parts à des formalités de publicité aux fins d’opposabilité aux tiers.

La solution retenue par la Cour de cassation soulève toutefois certaines interrogations. En particulier, qu’en serait-il si l’acte de cession avait été conclu en considération des qualités personnelles du cédant et comportait des engagements liés à celles-ci ?

De même, la stipulation expresse du caractère intuitu personae de la cession ou de la non-transmissibilité des droits et obligations des parties pourrait faire obstacle à la transmission automatique du contrat aux héritiers. Rien ne semble, en effet, interdire l’insertion d’une telle clause, dès lors qu’elle résulte de la volonté commune des parties et respecte les conditions de validité du contrat.

Ainsi, l’arrêt du 21 mai 2025 apporte une précision utile aux praticiens, tout en invitant les parties à structurer leurs opérations de cession avec prudence.


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  1. Cass. Civ. 1ère, 21 mai 2025, n° 23-10.119 ↩︎
  2. Rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ↩︎
  3. Rédaction antérieure à la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 ↩︎

L’agrément obligatoire des cessions de parts sociales de SARL – Questions & réponses

Dans une SARL, le principe veut que les associés choisissent leurs partenaires en fonction de leurs compétences propres ou de leurs liens personnels. L’agrément légal prévu à l’article L.223-14 du Code de commerce vise donc à éviter que des tiers extérieurs au projet n’accèdent au capital sans l’accord des associés historiques.

Maîtriser ces règles et respecter la procédure légale, potentiellement complétée par les statuts, est essentiel pour sécuriser une opération de transmission ou d’acquisition de parts sociales.

> Lire également sur les cessions de parts sociales : « La cession des parts sociales d’une société civile est opposable aux héritiers du cédant, même en l’absence de publicité »

Quels sont les transferts de parts soumis à l’agrément ? Les donations sont-elles concernées ?

Au regard de la jurisprudence, la notion de « cession » doit être comprise de façon large. Ainsi, des transferts de parts sociales à des tiers résultant de donations, d’échanges ou d’apports isolés doivent être soumis à l’agrément préalable des associés pour que les bénéficiaires acquièrent la qualité d’associé.

Sont cependant exclues en application de l’article L. 223-13 du Code de commerce :

  • les transmissions par voie de succession ;
  • les transmissions résultant de la liquidation de la communauté de biens entre époux ;
  • les cessions entre conjoints et entre ascendants et descendants.

Les transferts de parts effectués par un associé personne morale résultant d’une transmission universelle de son patrimoine (fusion, scission) ne sont également pas concernés.

La lecture attentive des statuts demeure néanmoins essentielle, car il est expressément prévu que ces exclusions puissent être écartées par une stipulation statutaire.

Faut-il appliquer la procédure d’agrément en cas de nantissement des parts sociales ?

Il est préférable d’appliquer la procédure d’agrément au moment de la constitution d’un nantissement sur des parts sociales de SARL pour assurer son plein effet.

En effet, selon l’article L. 223-15 du Code de commerce, si la société a donné son consentement à un projet de nantissement dans les conditions de l’article L.223-14, ce consentement emportera agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des parts sociales nanties à moins que la société ne préfère procéder à une réduction de son capital.

Quelle est la procédure dans le cadre d’une cession de parts sociales de SARL ?

En cas de pluralité d’associés, le projet de cession à un tiers non-associé doit impérativement être notifié à la société et à chacun des associés existants.

Le projet ne peut être réalisé que si la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales l’approuve.

Si la société n’a pas fait connaître la décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications, le consentement à la cession est réputé acquis.

Quelle est la sanction en cas de non-respect de la procédure d’agrément ?

Les cessions de parts sociales de SARL passées en violation de la procédure de notification susmentionnée encourent la nullité, étant précisé qu’il est de jurisprudence constante que ce formalisme est strict et qu’aucune régularisation postérieure n’est possible, notamment par voie de décision unanime des associés.

En revanche, l’action en nullité n’est ouverte qu’à la société ou chacun des associés, à l’exclusion de l’associé cédant n’ayant pas respecté le formalisme de notification.1

Que se passe-t-il si les associés refusent d’agréer un projet de cession de parts ?

En cas de refus d’agrément, et si l’associé cédant ne renonce pas à son projet, la loi prévoit des mécanismes de sortie afin qu’il ne soit pas contraint de rester dans la société contre sa volonté.

Ainsi, et sous réserve que l’associé cédant détienne les parts à céder depuis au moins deux ans ou que la cession intervienne dans le cadre d’une succession, d’une liquidation de communauté de biens entre époux, ou d’une donation au profit d’un conjoint, ascendant ou descendant, la loi prévoit deux possibilités :

  • soit les associés acquièrent ou font acquérir les parts à un prix fixé par un expert dans les conditions de l’article 1843-4 du Code civil, dans un délai de 3 mois pouvant être prolongé par décision de justice jusqu’à 6 mois ;
  • soit la société décide, avec le consentement de l’associé cédant, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts ; dans ce cas, un délai de paiement de deux ans maximum peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice (les sommes dues portant intérêt au taux légal en matière commerciale).

Si, à l’expiration du délai imparti, aucune des solutions ci-dessus n’est intervenue, l’associé peut réaliser la cession initialement prévue.

Quelle est la conséquence d’un refus d’agrément d’un héritier ?

Lorsque la procédure d’agrément est applicable aux successions et que l’agrément est refusé à l’héritier, celui-ci a simplement droit à la valeur des droits sociaux de son auteur, à l’exclusion de tout droit d’associé (droit de vote notamment).

Est-il possible de contester un refus d’agréement ?

Le refus d’agrément peut constituer un abus de droit lorsqu’il est étranger à l’intérêt social, animé par une volonté de nuire, discriminatoire ou résulte d’une abstention fautive (par exemple un silence prolongé sans motif légitime).

Est-il possible d’aménager la procédure d’agrément dans les statuts de la SARL ?

Toute clause statutaire contraire aux dispositions légales relatives à la procédure d’agrément est réputée non-écrite, laissant une liberté très limitée dans la rédaction des statuts.

Les statuts peuvent cependant prévoir des conditions d’agrément plus restrictives (application de l’agrément à des cessions entre associés, majorité renforcée, etc.).

Les aménagements au mécanisme légal doivent-ils être stipulés dans les statuts ou dans un pacte d’associés ?

Dans les SARL, l’agrément est légal, c’est-à-dire prévu par la loi. Le mécanisme ne peut donc être modifié que dans les conditions prévues par la loi, qui prévoit que les possibles aménagements doivent être reflétés dans les statuts.

Dans ces conditions, le pacte d’associés n’a qu’une place résiduelle, par exemple pour stipuler l’engagement des associés à agréer les cessionnaires dans certains cas ou gérer les conséquences d’un refus d’agrément. De tels engagements ne permettent cependant pas d’invoquer la nullité de la cession en cas de non-respect par l’un des signataires engagés.


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  1. Cass. com., 12 février 2025, n°23-13.520 ↩︎

Fusion-absorption : Disparition de la personnalité juridique de l’absorbée et action en justice

Les conséquences des opérations de fusions-absorptions ont été l’objet de plusieurs précisions jurisprudentielles ces dernières années, qu’il s’agisse du sort de la caution, du transfert des responsabilités ou des subtilités procédurales. Dernièrement, par un arrêt rendu le 15 janvier 2025 (23-84.906), la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé que la fusion-absorption entraînant l’extinction de la personnalité juridique de la société absorbée, celle-ci ne peut plus ester en justice. Une irrégularité de constitution en première instance ne peut être corrigée par la constitution ultérieure de la société absorbante en appel.

La prise en compte procédurale de la disparition de la personnalité juridique lors d’une fusion-absorption

Une société, absorbée par fusion au 1er janvier 2016, s’était constituée partie civile lors d’une audience du tribunal correctionnel le 1er février 2017. En appel, c’est toutefois la société absorbante qui avait repris ses droits et s’était, à son tour, constituée partie civile.

Dans son pourvoi, le demandeur critiquait notamment la Cour d’appel de Fort-de-France d’avoir déclaré recevable la constitution de la société absorbante alors même que celle-ci ne s’était pas constituée en première instance.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel pour défaut de motivation. Selon la Haute juridiction, les juges du fond auraient dû vérifier si, au moment de l’audience du 1er février 2017, la société absorbée disposait encore d’une existence juridique lui permettant d’agir en justice. En d’autres termes, si la fusion avait déjà produit ses effets et entraîné la disparition de la personnalité morale de la société absorbée, celle-ci n’ayant plus la capacité d’ester en justice.

Un cas d’application qui confirme la jurisprudence récente

In fine, cette solution s’inscrit dans une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, qui rappelle de manière constante que la perte de la personnalité morale d’une société absorbée entraîne son incapacité à agir en justice. Une irrégularité ne pouvant être corrigée par l’intervention ultérieure de la société absorbante.

La chambre commerciale de la Cour de cassation avait jugé qu’un appel formé par une société dépourvue de personnalité morale ne pouvait être régularisé par l’intervention ultérieure de la société absorbante (Cass. com., 13 mars 2019, n°17-20.252). De même, la Cour a estimé qu’une assignation délivrée par une société absorbée était irrégulière dès lors que celle-ci avait perdu son existence juridique au jour de l’acte introductif d’instance (Cass. civ. 2e, 12 février 2004, n°02-13.672).

Cette décision n’est pas non plus sans rappeler un arrêt de la Cour de cassation (Cass. Civ 2e, 8 septembre 2022, n°21-11.892), dans lequel le demandeur avait, cette fois, assigné une société n’ayant plus d’existence juridique. Bien que la société absorbante soit intervenue volontairement à l’instance, la Cour de cassation a estimé que cette irrégularité de fond ne pouvait être régularisée par la constitution de l’absorbante.

Plus récemment, les juges du droit avaient également précisé certaines règles procédurales en rappelant notamment que la partie adverse doit présenter des demandes à la société absorbante lorsque celle-ci vient au droit de l’absorbée (Cass. Com, du 18 septembre 2024, n°23-13.453).

Ainsi, la Cour de cassation semble avoir largement clarifié le contentieux autour des questions procédurales entourant le domaine des fusions-absorptions et notamment concernant l’absence de personnalité morale et de capacité à ester en justice en fonction des différentes situations (assignation, reprise d’instance…).

Bien que l’arrêt, sujet du présent article, ne fasse pas l’objet d’une publication au Bulletin de la Cour de cassation, celui-ci présente néanmoins le mérite de préciser une nouvelle application des principes esquissés par la Cour.

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