Dans un arrêt du 18 juin 2025, la Cour de cassation vient rappeler que seul le respect des procédures légales prévues par le droit des sociétés permet, une fois l’immatriculation obtenue, une reprise rétroactive des actes au jour de leur conclusion. La simple insertion dans les contrats d’une clause de substitution n’est pas suffisante.
Une société nouvellement créée n’acquiert la personnalité morale qu’à compter de son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS). A partir de ce moment, elle peut conclure des actes en son nom, indépendamment de la personne de ses associés. Cependant, la société est amenée, avant même son immatriculation, à devoir conclure des contrats, tant pour des besoins liés à sa création (compte en banque, locaux, financement, etc.), que pour ne pas perdre des opportunités commerciales (partenariats, contrats clients et fournisseurs).
Ce sont alors les associés fondateurs, directement ou par l’intermédiaire de leurs mandataires, qui vont signer ces contrats. Ces personnes qui agissent pour le compte d’une société en formation avant qu’elle n’ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis. Elles peuvent cependant se dégager de cette responsabilité si, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, la société reprend les engagements souscrits selon un formalisme prévu par la loi. Dans ce cas, ces actes repris sont réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.
Dans un arrêt du 18 juin 2025,1 la Cour de cassation vient rappeler que seul le respect des procédures légales prévues par le droit des sociétés permet, une fois l’immatriculation obtenue, une reprise rétroactive des actes au jour de leur conclusion. La simple insertion dans les contrats d’une clause de substitution n’est pas suffisante.
En l’espèce, un créancier se prévalait d’une créance à l’encontre d’une société, résultant d’un contrat passé pendant sa période de formation. La cour d’appel a estimé que le contrat passé avec le dirigeant de la société en formation n’avait pas été valablement repris lors de l’immatriculation, car les dispositions légales et réglementaires relatives à la reprise des actes n’avaient pas été respectées.
La Cour de cassation approuve ce raisonnement et rejette conséquemment le pourvoi. Elle affirme que la reprise d’un acte accompli au cours de la période de formation d’une société ne peut résulter du seul accord ou de la simple volonté des parties. La reprise doit satisfaire aux conditions requises par les dispositions législatives et réglementaires régissant spécifiquement les modalités de reprise des engagements souscrits au nom et pour le compte d’une société en formation.
Alors que la Cour de cassation a opéré, dans sa jurisprudence récente,2 un assouplissement des conditions d’admissibilité des actes à la procédure de reprise en l’élargissant à ceux qui ne comporteraient pas expressément la mention qu’ils étaient conclus « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation, cette décision du 18 juin 2025 vient rappeler que la procédure légale est, quant à elle, incontournable si l’on veut bénéficier du mécanisme de reprise des actes avec effet rétroactif à la date de leur conclusion. Elle s’inscrit ainsi en opposition avec des décisions de la Cour des dernières années,3 qui semblaient ouvrir la voie à un effet rétroactif des clauses de substitution, faisant primer l’intention des parties sur le respect formel des procédures de reprise prévues par la loi.
A défaut, il semble que la clause de substitution demeurerait valable en vertu du droit commun des contrats mais ne permettrait pas la reprise par la société rétroactivement à une date préalable à son immatriculation. Seules les procédures spécifiques du droit des sociétés pouvant le permettre.
Les procédures légales de reprise des actes spécifiques au droit des sociétés sont prévues par l’article 1843 du Code civil et l’article 6 du Décret n°78-704 du 3 juillet 1978, s’agissant des sociétés civiles, et par les articles L. 210-6, et R. 210-5 et suivants du Code de commerce et l’article 6 du même décret pour les sociétés commerciales.
Seuls des engagements contractuels préparant l’activité peuvent faire l’objet d’une reprise rétroactive, les responsabilités extra-contractuelles sont exclues, de même que les licences et autres autorisations administratives.
Bien que la jurisprudence de la Cour de cassation de 2023 susmentionnée soit venue assouplir les conditions d’admissibilité des actes, il est recommandé de préciser dans le contrat qu’il est conclu « au nom et pour le compte » de la société en formation.
En effet, il est nécessaire de prouver que le cocontractant est pleinement informé et d’accord qu’il contracte avec une société en formation et que l’acte sera repris. Les principales caractéristiques connues de la société en formation (nom, forme sociale, capital, siège social…) doivent être précisées afin de permettre au cocontractant de l’identifier.
Trois voies de reprise sont prévues par le droit des sociétés, dont le choix dépendra du moment auquel la signature de l’acte ou sa reprise interviennent :
Jusqu’à l’immatriculation ou à la décision de reprise, ceux qui ont conclu l’acte ou donné mandat de les conclure demeurent personnellement et solidairement tenus aux engagements souscrits. En revanche, à compter de l’immatriculation ou de la décision de reprise, ceux qui ont conclu l’acte sont libérés (sauf garantie personnelle expressément convenue) et l’acte est considéré comme ayant été conclu dès l’origine par la société.
Si l’acte n’est pas admissible à la procédure de reprise ou si l’une des procédures de reprise ci-dessus n’est pas respectée, le ou les associé(s) ayant conclu l’acte en question demeurent personnellement engagés. Cela implique le risque de devoir en assumer les conséquences s’ils ne peuvent assumer leurs obligations financières ou autres, sauf à pouvoir démontrer que l’acte a été conclu pour une société inexistante.