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Legal Insights 15 juillet 2025

Retard dans la soumission des comptes annuels aux associés : sanction pénale et possible régularisation

Les dirigeants des sociétés commerciales doivent soumettre chaque année aux associés les comptes annuels et certains rapports en vue de leur approbation. Le non-respect de cette obligation fait l’objet d’une sanction pénale dont un arrêt de la Cour de cassation vient préciser l’application.

Alors que de nombreuses sociétés clôturant leur exercice au 31 décembre ont achevé au mois de juin la procédure d’approbation de leurs comptes annuels par les associés, un arrêt rendu en début d’année par la Cour de cassation1 précise les conditions d’application de la sanction pénale applicable aux dirigeants qui ne l’auraient pas mise en œuvre.

En effet, selon la Cour, le simple retard dans la présentation des comptes sociaux par le gérant d’une SARL ne suffit pas à caractériser le délit de non soumission, passible d’une amende de 9.000 euros aux termes de l’article L. 241-5 du Code de commerce. Elle ouvre ainsi la voie à une possible régularisation.

Le seul retard dans la soumission des comptes annuels aux associés n’est pas constitutif d’une infraction pénale

En l’espèce, il était reproché au gérant d’une société à responsabilité limitée (SARL) de ne pas avoir soumis aux associés les comptes sociaux pour les exercices 2012 à 2017. Celui-ci a donc été condamné en appel, la cour considérant que l’infraction était constituée en raison du dépassement du délai de six mois suivant la clôture de l’exercice.

La Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article L. 241-5 du Code de commerce. Elle rappelle que la loi du 22 mars 2012 a supprimé le délai de six mois auparavant imposé au gérant par ledit article pour soumettre les comptes à l’assemblée. Par conséquent, elle affirme que le seul retard dans la présentation des documents comptables aux associés d’une SARL ne suffit pas à constituer une infraction pénale.

Cet arrêt apporte une clarification bienvenue. Suite à la suppression du délai de six mois en matière pénale, la caractérisation de l’infraction prévue à l’article L. 241-5 demeurait incertaine.

La Cour consacre désormais une marge de manœuvre importante au bénéfice du gérant : seule l’absence totale de présentation des comptes ou des autres documents à l’assemblée, et non le simple retard, est susceptible de constituer une infraction pénale au sens de ce texte.

Cette décision a une portée pratique notable dès lors qu’elle conduit à caractériser l’infraction au jour où le juge se prononce, et uniquement si la soumission des comptes aux associés n’a toujours pas eu lieu à cette date. Elle ouvre ainsi la voie à une possible régularisation de la situation jusqu’au dernier moment, ce qui semble limiter encore davantage l’efficacité de la sanction pénale prévue à l’article L. 241-5 du Code de commerce, dont l’application est déjà rare.

Enfin, il faut noter que cette solution jurisprudentielle pourrait être étendue aux sociétés anonymes (SA), dont le texte d’incrimination de l’infraction de non soumission (article L.242-10 du Code de commerce) est quasiment identique, voire aux sociétés par actions simplifiées (SAS) par la possible extension du régime des SA.

Rappels sur les obligations des sociétés commerciales en matière d’approbation des comptes

Au-delà de la sanction pénale prévue par l’article L.241-5 du Code de commerce, les sociétés commerciales sont soumises à des obligations en matière d’approbation des comptes annuels par les associés et de dépôt au greffe qu’il convient de rappeler. Tout manquement peut faire l’objet d’injonctions par le président du tribunal de commerce compétent, le cas échéant sous astreinte. Les dirigeants sociaux peuvent également voir leur responsabilité engagée si de tels manquements ont causé un préjudice à la société ou à ses associés.

Soumission des comptes annuels aux associés pour approbation

Les articles L. 223-26 (pour les SARL) et L. 225-100 (pour les SA) du Code de commerce disposent que le rapport de gestion et les comptes annuels notamment, sont soumis par le gérant, le conseil d’administration ou le directoire (selon le cas), à l’approbation des associés réunis en assemblée, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice. A défaut, une prorogation du délai doit être demandée au tribunal de commerce.

S’agissant des SAS à plusieurs associés, l’article L. 227-9 dispose que l’approbation des comptes annuels relève de la compétence de la collectivité des associés. Les modalités de cette décision, notamment les délais, sont fixées librement dans les statuts. Toutefois, cette liberté statutaire connaît une limite puisque lorsqu’il est prévu une distribution de dividendes, la mise en paiement doit intervenir dans un délai maximum de neuf mois suivant la clôture de l’exercice, sauf prorogation accordée par décision de justice.2 En l’absence de toute stipulation statutaire sur le délai d’approbation des comptes, la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) recommande de procéder à la consultation des associés dans un délai de six mois suivant la clôture.3

Concernant les SAS à associé unique (SASU), l’associé doit approuver les comptes dans les six mois suivant la clôture de l’exercice en vertu de l’article L. 227-9, alinéa 3.

En cas de manquement, les associés ou le Ministère public peuvent saisir le président du tribunal de commerce afin qu’il enjoigne l’organe compétent, sous astreinte, de convoquer l’assemblée appelée à approuver les comptes ou qu’il désigne un mandataire à cet effet.

Formalités de dépôt au greffe

Enfin, les articles L. 232-22 (SARL) et L.232-23 (sociétés par actions) du Code de commerce imposent le dépôt des comptes annuels, du rapport de gestion, des rapports des commissaires aux comptes (le cas échéant) et de la décision d’affectation du résultat au greffe du tribunal de commerce dans le mois suivant la décision des associés.

Le président du tribunal de commerce peut, à la demande de tout intéressé ou du Ministère public (article L.123-5-1) ou de sa propre initiative (article L. 611-2), ordonner ce dépôt sous astreinte. Le défaut de dépôt peut également faire l’objet de sanctions pénales.


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  1. Cass. Crim du 12 février 2025, n°23-86.857 ↩︎
  2. Article L. 232-13 du Code de commerce ↩︎
  3. Bull. CNCC mars 2004 p. 184 ; Bull. CNCC septembre 2013 p. 479 s. ↩︎

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